top of page

Zakaria Taha

​

zakaria.taha@univ-grenoble-alpes.fr

​

L’hospitalité au prisme du politique : l’accueil des réfugiés syriens au Liban et en Turquie entre enjeux communautaires et identitaires », communication pour le colloque international : 

​

HOSPITALITES, HOSTILITES : RECITS ET REPRESENTATIONS 

​

Université Grenoble Alpes 19-20 Novembre 2020

 

Zakaria Taha (MCF en civilisation arabe, politiste et spécialite de la Syrie, CREO-ILCEA4/UGA)

 

La générosité hospitalière, une pratique coutumière d’origine bédouine symbolisée dans le monde arabe par la figue légendaire de Hâtim al-Tâ’î, un poète-chevalier dont l’époque précède de peu l’avènement de l’islam (7e siècle de notre ère), reste considérée encore aujourd’hui comme l’une des valeurs morales des sociétés arabo-musulmanes. Accueillir est un devoir sacré qui consiste à héberger, nourrir et protéger son hôte voyageur, pèlerin ou même un ennemi qui le demande.

​

Confrontée à l’avènement de la modernité et à ses enjeux (constructions des États-nations et des frontières, conflits, crises économiques et politiques…), cette conception historique et privée de l’hospitalité « arabe » acquiert alors une dimension étatique. Elle se trouve soumise aux dynamiques politiques, sociaux et démographiques qui animent et structurent les pays hôtes.

​

L’afflux de millions de Syriens fuyant le conflit déclenché en mars 2011 vers les pays riverains et frontaliers, Turquie et Liban notamment, pose la question de la politisation de l’hospitalité. Si la Turquie adopte une politique volontariste à l’égard des Syriens (gratuité des soins et de l’éducation, accès au marché du travail, octroi de la nationalité turque…), le prolongement et l’internationalisation du conflit syrien ont poussé Ankara à repenser sa politique d’accueil (fermeture de frontières, construction de murs de séparation, opérations militaires dans les territoires syriens). Aussi, les réfugiés, considérés officiellement comme « invités », deviennent-ils un instrument de politique étrangère et un objet de marchandage contre l’Union européenne.

​

Au Liban, pays arabe avec qui les Syriens partagent des liens familiaux, les sensibilités politiques et/ou communautaires sont autant de facteurs qui modulent l’hospitalité envers les déplacés. Sunnites pour l’immense majorité, les Syriens sont vus comme une menace pour l’équilibre communautaire et démographique des chrétiens et des chiites dans un Liban politiquement et institutionnellement confessionnalisé.

​

Au-delà de sa dimension anthropologique et humanitaire, l’hospitalité reste soumise aux aléas des acteurs politiques, aux considérations électoralistes et aux calculs politiciens des pays et des sociétés d’accueil. Bien que l’afflux de réfugiés puisse dynamiser les économies de certaines villes frontalières (Gaziantep en Turquie), les mesures de l’hospitalité (statut, droit, travail, accès aux services publics…) peuvent être considérées par les populations locales comme la cause des problèmes de l’insécurité ou du chômage (montée des prix, main d’œuvre concurrente, criminalité…). L’hospitalité provoque-t-elle l’hostilité ? 

​

Cette communication propose de mettre l’accent sur les différents facteurs (discours, acteurs, représentation, mesures et enjeux) qui jouent un rôle dans la conceptualisation de l’hospitalité envers les déplacés/réfugiés. Nous cherchons à comprendre comment les expériences de l’accueil (hospitalité ou inhospitalité) envers les Syriens dans les cas libanais et turque reflètent les clivages, les tensions, les alliances communautaires, les enjeux de politique intérieure, mais aussi les stratégies de relations internationales. Ma contribution adoptera une approche comparative des deux cas libanais et turque, deux pays qui abritent à eux seuls l’immense majorité des réfugiés et déplacés syriens. Le cadre temporel s’étend sur la période post 2011. 

bottom of page