Etienne Ciapin

 

Luttes de légitimités autour de l’(in)hospitalité : la crise de l’accueil aux frontières gréco-turques en temps de pandémie comme moment critique ?

 

​Docteur en Sociologie et en Relations Internationales

ATER - Université Toulouse Jean Jaurès – chercheur associé au CERTOP (UMR5044) et au CERDAP2 (EA 7443)

etienne.ciapin@gmail.com

 

            En février et mars 2020, la frontière gréco-turque connait une nouvelle crise liée à l’accueil des migrants et réfugiés cherchant à rejoindre le territoire européen. Dans les espaces publics, les images de gardes côtes grecs armés tirant sur les naufragés d’embarcations de fortune cherchant à rejoindre la rive circulent viralement. Concomitamment, le monde fait face à une menace biologique née en Chine et se jouant des frontières, en l’espèce du covid-19, plus connu comme coronavirus. Cette menace semble exacerber les tensions sociales liées à la mondialisation et à ces circulations, et les discours et évènements liées à la peur de la pandémie se trouvent d’autant plus associés à l’Autre, ennemi extérieur et intérieur devenant qui plus est potentiel vecteur. Dans ce contexte particulier, les imaginaires, images et discours antagonistes promouvant pratiques et politiques d’hospitalité ou à l’inverse d’inhospitalité se confrontent - et peut –être  se reconfigurent- à l’aulne de cette actualité complexe.

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Cette communication souhaite penser et réinterroger à partir de cette entrée comment se mènent dans les espaces publics une âpre lutte de légitimité autour de l’hospitalité et de l’inhospitalité. Nous aborderons les revendications de légitimité dans le sens d’Hélène Hatzfeld, c’est-à-dire comme principes au nom desquels il est possible de vivre ensemble, mais aussi expression du conflit politique fondamental mettant la cité « à nue ». Cet angle nous semble particulièrement approprié pour interagir avec ce que le concept d’hospitalité révèle de nos sociétés, puisqu’il interroge une relation à l’Autre elle-même au cœur de la définition de la cité, comme le souligne Boudou mais aussi Le Blanc et Brugère.

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Cette âpre lutte de légitimité s’incarne dans des discours, des images, des imaginaires symétriques. Face aux tenants de l’accueil dénonçant un « crime contre l’humanité » (Jean Zigler, le 11 mars 2020 sur France Inter) et plaidant pour l’accueil comme « choix de civilisation », des réseaux promouvant l’inhospitalité –notamment les extrêmes droites via les réseaux numériques - s’activent pour légitimer le déploiement militaire européen inédit, l’action violente des milices anti-migrants ou encore la décision de l’état hongrois de suspendre la possibilité de demander l’asile sur son territoire du fait de la pandémie en cours. L’image du migrant comme virus fait son apparition sur la toile. L’hospitalité sera-t-elle défendue en symétrique comme antidote ?

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Le contexte d’exceptionnalité formulé par cette double crise nous aide à faire le point, au-delà de la légalité et du temps commun, sur l’état des lieux de cet affrontement, qui semble occuper un espace d’autant plus vaste que les communications d’états peinent à s’imposer comme référentiels politiques dans ce contexte de crise et dans la complexité géopolitique contemporaine. Nous laissons cependant une forme interrogative quant à déterminer la nature critique de ce moment : distance réflexive et analytique nous aideront à déterminer en quoi un jalon reconfigurant sur le long terme cette lutte et ses avatars est bien franchi, ou si la situation s’avère conjoncturelle.

 

Bibliographie indicative :

Boudou, Benjamin. « Éléments pour une anthropologie politique de l'hospitalité », Revue du MAUSS, vol. 40, no. 2, 2012, pp. 267-284.

Froio, Caterina. « Nous et les autres. L’altérité sur les sites web des extrêmes droites en France », Réseaux, vol. 202-203, no. 2, 2017, pp. 39-78.

Hatzfeld, Hélène. « Au nom de quoi ? Les revendications de légitimité, expressions de mutations sociales et politiques », Vie sociale, vol. 8, no. 4, 2014, pp. 25-36.

Le Blanc Guillaume et Brugère Fabienne, La fin de l’hospitalité. Lampedusa, Lesbos, Calais... JJusqu’ou irons nous ?. Flammarion, 2017, 240 p

Voirol, Olivier. « Pathologies de l’espace public et agitation fasciste. Leçons de la Théorie critique », Réseaux, vol. 202-203, no. 2, 2017, pp. 123-159.